Le texte

Quelqu'un m'a dit au badminton que quand il jouait, il voulait gagner, mais il s'en foutait.

Je lui ai dit :

- Pardon ? … Comment tu peux à la fois vouloir gagner et t'en foutre en même temps ?

Il me dit :

- Ah mais c'est pas en même temps ! Quand je suis en train de jouer, je veux gagner, mais une fois que le match est terminé, je m'en balek.

Je lui dis :

- Mais fais pas ton mytho ! T’es au moins un petit peu content d'avoir gagné ?!

Il me dit :

- Oui, je je suis content. Mais pendant quoi ? 10 secondes ?! …. mais c'est rien ça par rapport à tout le temps du jeu où je me suis vraiment donné à fond - c'est-à-dire que je voulais gagner.

Ça m'a fait réfléchir, son truc, parce que moi aussi je veux gagner, réussir, être le best !

Mais le coeur, le corps de ma vie, c'est pas la victoire espérée ou le regret de la défaite, c'est ce que je suis en train de faire concrètement, qu'il s'agisse de repeindre mon plafond, ou de développer une app mobile.

Le moment d'ouvrir le champagne ne constitue pas un chapitre entier de notre existence, non ! C’est juste la virgule qui pétille et qui appelle la suite de l'histoire, comme un tremplin.

Ah, mais je suis tout à fait d'accord d'être fier de nos gloires passées, mais à trop vénérer nos trophées obsolètes, on finit par devenir le papy qui radote son passé comme si la météo d'hier pouvait encore intéresser quelqu’un.

Imagine qu'un gentil magicien m’ait proposé de réaliser à ma place cette vidéo-ci, que tu es en train de regarder, d’un coup de baguette magique, comme ça, pouf, me laissant ainsi juste savourer le plaisir de la mettre en ligne et de profiter de mon public.

- Heu, merci magicien … Mais tu m'emmerdes quand même un peu parce que mon kif, c'est pas seulement le résultat final, c’est tout le processus, de l'écriture jusqu’au montage.

Ça sert à quoi de me faire gagner du temps, si je sais plus quoi faire avec ?

Les randonnées ou les balades en groupe à moto se concluent le plus souvent par une destination, comme un resto ou un refuge, parce que si le but était plus important que le voyage, organise plutôt un pique-nique dans ton jardin.

Si on était vraiment juste obsédés par les résultats, on ne regarderait jamais aucun film en entier, mais juste les scènes finales; c'est comme une histoire drôle, la chute ne fait rire que si on raconte le petit scénario qui la précède.

Je te connais pas, mais peut-être que tu projettes d'écrire un livre.

Tu aimerais tellement savoir si ton ouvrage deviendra un best-seller que tu te renseignes auprès d'un devin clairvoyant qui a la réputation de ne jamais se tromper.

Il scrute l'avenir dans sa boule de cristal, mais son regard s'assombrit quand il t'annonce que malheureusement, ton manuscrit va être rejeté par tous les éditeurs.

Ça te fout le seum, grave.

Mais bon, quelque part, c'est une bonne nouvelle parce que ça va t'éviter d’investir inutilement ton temps et ton énergie dans un Titanic au destin scellé.

Mais ça te prive également d'une aventure personnelle aussi profonde que ce navire qui ne doit finalement sa renommée qu’à son naufrage.

En fait, connaitre son destin, c'est déchirer le paysage du futur merveilleux qu'on s’est imaginé.

C'est briser cette ligne d'horizon qui recule à mesure qu'on avance et qui s'appelle “l'espoir”, ce mot étrange qui enlumine nos rêves et masque les pièges.

N'entreprendre que d’immanquables succès est utopique parce que le socle de la réussite est justement enraciné sur le terreau fertile de l'expérience rapportée par nos erreurs.

Le tireur à l'arc qui planterait toutes ses flèches au milieu de la cible sans jamais faillir se verrait ainsi privé de tout plaisir triomphant puisque l'échec n’est même pas envisageable, comme si tu regardais un match de foot en différé alors que tu sais déjà que c’est ton équipe qui va gagner.

Comment savoir ce qui ne fonctionne pas si on n’essaie pas ?

Les cours, les conseils, internet t’enseignent la théorie, pas la pratique.

“Le sage ne craint pas le tigre, car là où est le tigre, le sage ne va pas”.

C'est là un proverbe plein de bon sens, mais on peut aussi dire que seuls ceux qui ne font rien ne font pas d'erreurs.

Après tout, si on veut sortir d’un labyrinthe sans s'y perdre, il suffit de pas y entrer.

Alors, vaut-il mieux s'asseoir pour commenter le monde, ou se lever pour tenter d’en bâtir un meilleur ?