Le texte

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t’annoncer : La mauvaise c'est qu’on est très mal barrés dans une société qui est devenue intenable à tous les niveaux. La bonne, c'est qu'elle est bientôt finie.

La catastrophe écologique et sociale qui nous guette est si majeure qu'on a de la peine à en mesurer les conséquences, comme si la lune menaçait de s’écraser sur nous.

On court à notre perte comme on s'élance sur un tremplin, les yeux fermés et les oreilles bouchées pour ne pas entendre les scientifiques et les visionnaires qui nous hurlent que l’eau de la piscine est quasiment évaporée.

La vie est apparue sur ce grain de poussière qu’on appelle “La terre” il y a quatre milliards d’années. Et à cette échelle, l’espèce humaine existe depuis hier soir.

Bouffis d’égo, nous imaginons que dieu nous a fait à son image; nous nous sommes autoproclamés "propriétaires de tout" alors que nous sommes juste le dernier locataire en date d’une chambre de l’hôtel “Terre” qui s'arroge le droit d'exterminer les autres clients pour se vautrer dans tous les lits.

Bien que nous commencions à comprendre que ce palace naturel va s’écrouler sur notre tête, nous persistons à nous comporter comme d’innocentes fourmis qui attendent que les éléphants passent à l’action, mais ces créateurs de pollution et de misère industrielle , ne peuvent exister que grâce à l’existence de ces milliards d'insectes voraces, égoïstes et inconséquents que nous sommes.

Pourquoi devrais-je troquer ma voiture contre un vélo, alors que voguent à tout-va d'immenses paquebots ? … Pourquoi est-ce que je devrais éteindre mes appareils électroniques la nuit quand on envoie des fusées dans l’espace ?

Sans nous, les petites fourmis, toutes les multinationales feraient faillite en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, comme un dictateur sans soldat qui n’est alors plus qu’un petit homme inoffensif et désoeuvré qui s’énerve tout seul.

Nous nous en remettons à la seule loi qui régit le monde : celle du marché; nous exploitons frénétiquement tout ce qui est encore possible , qu’il s’agisse de racler les océans, de massacrer les animaux ou de raser les forêts tropicales jusqu’à ne laisser qu’un désert dans lequel on s’entretuera pour savourer le privilège d’arracher la dernière feuille du dernier arbre.

Mais comment a-t-on pu devenir ainsi ces milliards de petits robots suicidaires et dociles impossibles à reprogrammer ?

… Peut-être sommes-nous victimes de vicieuses machinations orchestrées en coulisses par de puissantes forces obscures, comme le clament ces répandeurs de propagande à base d’ennemis imaginaires qu’on appelle à juste titre “Les complotistes”.

… Ou alors, peut-être que les ressources de notre planète sont effectivement infinies, et surtout que l’homme n’y est pour rien dans le réchauffement de l’atmosphère, comme le prétendent les climatosceptiques, ces dealers de bonne conscience en billets de Monopoly qui semblent motivés à retarder l’éveil de notre lucidité.

… Peut être qu’il suffit d’attendre que Dieu intervienne pour prendre le gouvernail de ce monde en déroute, comme le croient certaines religions, pour lesquelles la seule mesure raisonnable reste la prière en attendant l’avènement d’un possible paradis sur terre.

… Peut être qu’un monde meilleur réside dans les promesses des politiques qui nous chantent en boucle les louanges de leur parti, nous convainquant ainsi que la solution se trouve dans la croissance économique, la fermeture de nos frontières et des centrales nucléaires, sans que nous ayons rien d’autre à faire que de voter pour eux.

Mais imaginer qu’un gouvernement a la capacité d’inculquer la sagesse à la population, c’est oublier que nos élites sont installées sur le trône par un peuple qui voudrait assister à un monde qui change sans que lui-même renonce à la moindre parcelle de son confort.

Essaie d'imaginer que tu es le maître du monde, respecté comme le pape, puissant comme un dictateur mais empreint de la volonté farouche de sauver l’humanité, quelles sont les décisions que tu prendrais pour redresser un monde qui sombre dans une catastrophe écologique qui a ceci de terrifiant que l’ennemi à abattre n’est autre que… nous-même !

A peine une mesure écologique est-elle esquissée que le gouvernement se heurte toujours au même argument : “C'est pas par là qu'il faut commencer !”. Y’a qu’à voir : un simple projet d’augmentation du prix de l’essence a initié le mouvement des gilets jaunes qui a failli faire basculer la France dans une guerre civile en 2018.

On attend des gouvernants qu’ils se comportent en héroïques médecins de guerre qui n’hésitent pas à amputer des membres ou transplanter des organes, mais nous sommes tellements douillets dès qu’on effleure nos acquis que pour éviter de se faire professionnellement guillotiner, nos responsables politiques deviennent des naturopathes timorés qui se contentent de recommander l’usage des pailles en carton, et de manger cinq fruits et légumes par jour.

Nous sommes des obèses morbides imaginant qu’il va nous suffire de nous rendre à la boulangerie à pied plutôt qu’en bagnole pour nous sculpter un corps d'athlète, alors que nous sommes en soins palliatifs, et que l’euthanasie devient une option envisageable.

Ce qui va nous contraindre à la sagesse, c’est pas la culpabilité ni les lois : c’est les guerres, les maladies, la détresse sociale, les déluges et les canicules en chaîne qui annoncent le plus gros bordel de toute l’histoire à venir. Le mur qu’on va se prendre à 300 à l’heure dans la gueule, ou, pour le chuchoter avec douceur dans le creux de l'oreille des enfants traumatisés que nous sommes : "la fin de l'abondance"

Je te connais pas, mais peut-être que tu consommes parfois local, tu pisses sous la douche et tu likes les vidéos de Greta Thunberg. Tu es comme le colibri qui transporte une goutte d’eau à la fois pour éteindre un incendie de la taille de plusieurs continents : t’as fait ta part, comme on donne un peu de pognon à des associations humanitaires, fier d'avoir jeté ton grain de sable avec panache dans les fondations d'un monde meilleur, n'est-ce pas ?

Le 21ème siècle nous accompagne vers la fin, main dans la main. Le sablier s’est retourné le 11 septembre 2001, rempli de la poussière de deux tours symboliques qui se sont effondrées ce jour que personne n’oubliera jamais et qui a sonné comme le premier des douze coups qui annonce le milieu de la nuit.

On fait beaucoup de barouf autour des jets privés, mais plus globalement, un monde sans avions, c’est un ciel sans pollution, des virus qui se propagent moins vite, la fin des bombes qui tombent du ciel, et le 11 septembre aurait été un jour comme un autre.

20 ans plus tard, nous avons subi la pandémie du Covid, cette bande-annonce gentillette qui nous donne un tout petit avant-goût de ce que peut être un environnement empoisonné, une liberté restreinte, et une diminution du monde.

La suite du programme se présente comme la guerre aux portes de l’Europe qui devient chaque jour plus inquiétante, de plus en plus d’états prenant position et fournissant des armes à l’un ou l’autre des belligérants, faisant ainsi de l’Ukraine le détonateur de quelque chose de bien plus vaste, qui n’est pas sans rappeler les deux guerres mondiales du siècle passé, dont la deuxième s’est achevée dans l’enfer le plus abominable.

S’en sont ensuivi trente années de reconstruction et de prospérité, pendant lesquelles on a taggé “Plus jamais ça” un peu partout. Mais aujourd’hui, alors que notre équilibre économique, écologique et social tressaute et s’effrite, l'homme étant ce qu'il est cherche à nouveau, comme il y a près de cent ans, les responsables potentiels du malheur partout autour de lui qu’il s’agit de détester.

Nous confondons progressivement les réfugiés et les envahisseurs, à tel point que chaque fois que nous voyons à la télé une coquille de noix bourrée de désespérés africains qui vogue vers l’Europe, nous en arrivons presque à espérer que leur frêle esquif coule à pic, emportant ainsi par le fond ces problèmes humains.

Ça me fait penser au Titanic, réputé aussi insubmersible que notre société, mais qui disparaît malgré tout alors que nous en sommes encore à empêcher l'argenterie de glisser des tables pendant que l'orchestre nous invite à danser.

Doit-on craindre l’iceberg qui est déjà en train de déchirer notre bateau-monde ? … Ou doit-on juste nous demander si les quelques privilégiés qui auront trouvé une place sur les canots de sauvetage arriveront un jour à accoster sur une terre vivable ?

Ceux qui survivront au naufrage en cours seront les témoins de la vie après la mort de notre mode de vie obscène, suicidaire et outrancier. Après tout, il y a déjà eu une période historique intitulée ”Renaissance”.

La dénomination-même du monde dans lequel on vit devrait nous allumer la puce à l'oreille : « société de consommation ». Un fonctionnement qui se décrit lui-même comme une entité dont l'unique raison d'être est d’acheter, utiliser et jeter. La détermination aveugle à vouloir à tout prix maintenir et même accélérer la croissance m'évoque l'image d'un ventilateur qui tourne de plus en plus vite pour ranimer la flamme d’une bougie qui arrive de toute façon à sa fin.

A la lumière vacillante de cette chandelle qui éclaire notre conscience que l’argent ne se mange pas, nous ressentons une angoisse nouvelle : “L’éco-Anxiété”; … ce malaise paradoxal du fumeur qui allume sa clope en redoutant le cancer, shooté depuis tant d’années au capitalisme, alors même que sur son paquet est écrit en toutes lettres “Consommer tue”.

Je te laisse maintenant retourner à tes occupations habituelles et continuer à fumer la terre comme si elle t'appartenait, car rien ni personne n'apaise le vent, et tu es une bourrasque qui renforce la tempête.