Quand je suis sur toi, réseau social, mon doigt caresse frénétiquement l’écran de mon téléphone.
Les scandales politiques, les citations à l’eau de rose, les désastres humanitaires et les chatons mignons défilent sous mes yeux sans transition ni fin ni pause.
Je surfe d'un air hautain sur l'océan de déchets conversationnels qui s’empilent sous les articles putaclic.
Réseau social, tu es une mère-poule hypocrite, qui me laisse croire que je suis ton fils préféré, autour de qui le monde tourne.
Je suis persuadé d'être toujours du côté des bons et des justes, car tu choisis de ne me montrer que ce qui devrait me plaire.
Je crache ma sagesse en majuscules à la gueule de mes contradicteurs.
J’exige en vain le respect des autres trolls, comme si j’étais le garant de l’éducation du monde, l’inventeur de l'amour et de l'humanité.
Mes doigts trop pressés sautillent sur le clavier, mais qu’importe les fautes,
il est urgent de distribuer les mots qui aiment et les mots qui tuent.
Je ne sais même pas pourquoi je me sens obligé de défendre mes valeurs avec cette rage et cette obstination.
J'envoie des messages brutaux; mais mérités à tous ceux qui confondent leur savoir et leurs convictions d’une autre manière que moi.
Je les poignarde parfois dans le dos, et je jubile secrètement quand ma plainte anonyme les réduit au silence.
De ton côté, réseau social, tu ériges la bienséance en modèle idéal grâce à ta pseudo-intelligence artificielle et lapidaire, qui masque le moindre téton, la moindre idée présumée coupable.
Tes visiteurs eux-mêmes jouent le jeu de la censure, remplaçant leurs propres gros mots par des astérisques, comme des putes en robe de mariée.
Je pensais naïvement que tu étais le prolongement virtuel de ma vie, réseau social. Mais tu n’es qu’un mirage publicitaire qui viole mon cerveau, un fournisseur de plaisirs délavés qui prend mon âme en otage, faisant de moi un dépendant affectif drogué aux émotions préfabriquées.
Je kiffe tellement qu’on like mon assiette, mes vacances, mon chien, ma moto !
Mettez-vous-y à dix, vingt... cinquante! … douchez ma photo de profil de vos émoticônes !
Ajoute-moi en ami, copain jetable, éjaculons ensemble nos émotions dans cette partouze en ligne permanente.
Certains jouissent vraiment, tandis que d’autres simulent et likent dans un feulement de compassion pour s’assurer de futurs pouces en l’air de la part de leurs amis théoriques collectionnés par centaines, mais qui se réduisent aux doigts d’une main à nous saluer dans la rue.
Quand je t’éteins, réseau social, je me sens comme l’actrice pornographique qui prend congé de ses partenaires et de l'équipe de tournage avant de rentrer chez elle.
Merci, réseau social, je te connais pas, hein, mais grâce à toi, je suis seul, mais je l'ignore.
Retrouve la vidéo et le texte écrit sur mon site : http://www.blackcoach.ch/Chapitres/Chapitre063.php
Rejoins mon serveur Discord pour discuter de ce sujet dans le salon #j-y-crois-pas (http://www.blackcoach.ch/Discord.php)
Auteur du texte et acteur : Michel Defawes (le Black Coach)
Montage : Michel Defawes
Relecture et corrections : “Les coulisses du Black Coach” sur Facebook et mon serveur Discord (remerciements à tous les membres qui ont participé).
Soutien financier : toi, si tu en as envie, c’est ici : https://fr.tipeee.com/black-coach
"Echoes of Times", de Kevin Macleod (https://youtu.be/uRDDOlGlHpk)
“Spine Chilling Cardiac Tension”, de Biz Baz Studio (https://youtu.be/UQqJmSJ6JBI)
“Interloper”, de Kevin Mc Leod (https://www.youtube.com/watch?v=OMwkCA747bc)
“N°4 Piano Journey”, d’Esther Abrami (https://youtu.be/RzxIoeiJV_c)
“Sea of Doom”, de Doug Maxwell (https://youtu.be/PNYGxRrVZmo)
"Virtual Light", de Houses of Heaven (https://youtu.be/Bx6kpcxEmb8)