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En voyant certains reportages qui montrent que la terre se porte globalement mieux depuis que l’être humain est confiné, je me suis demandé à quoi ressemblerait notre planète si l’homme n’avait jamais existé.
Des arbres, des fleurs, des animaux partout.
C’est là que je me dis “Putain, on a vraiment tout ravagé, quoi !”.
Là, J’imagine la terre complètement réparée, avec toutes ses richesses, sa beauté… Ça me fait rêver !
Puis je me suis demandé si je pourrais survivre dans cet environnement sauvage que je connais pas du tout, en fait, un peu comme Tom Hanks, sur son île, dans “Seul au monde”.
Ca te fait peut-être penser à la série “Lost”, ou “Koh-Lanta”.
Imagine que tout ce qui a été créé par l’homme disparaît d’un coup de baguette magique comme ça
Par exemple, t’es dans ton canapé, là, tu regardes la télé et POUF ! Plus de télé, plus de canapé, plus de téléphone, ta montre, tes lunettes, plus rien !
Mais aussi ta maison, ton immeuble, ton quartier, ta ville : TOUT disparaît comme ça !
Les bagnoles, les avions, l’électricité, l’éclairage, le chauffage, internet, plus la moindre trace de civilisation humaine.
T’es chez toi… Enfin à l’emplacement de chez toi puisque tout a disparu.
Selon le pays où t'habites, ce serait la savane, le désert, la jungle : Si t’es en France tu seras peut-être dans une forêt.
Près de toi, ben y’a ta famille… enfin : ceux qui habitaient avec toi.
Et juste un peu plus loin, tes voisins d’à côté, du dessus, du dessous.
C’est un phénomène mondial, donc !
7 milliards d’êtres humains qui se retrouvent sur la terre telles qu’elle aurait été s’il n’y avait jamais eu d’être humains : les océans sont remplis de poissons, et la terre ferme est colonisée par toutes sortes d’animaux et de végétaux.
On est posés, comme ça, là au milieu, POUF !
C’est le printemps. Le soleil vient de se lever, la température est agréable, y’a des oiseaux qui s'envolent, c'est très serein, tu respires un (grande inspiration) bon air pur.
C’est… c’est merveilleux !
C’est quoi, ce qui te viendrait en premier à l’esprit dans cette situation aussi spéciale ?
Est-ce que tu penses immédiatement à protéger tes proches avec tes bras, comme ça ? Tu cherches ton chien, ton chat ? … Mais si on estime que ce sont des créations humaines, ils sont plus là.
Est-ce que tu voudrais absolument savoir pourquoi ça arrive ? Une punition divine ? Un complot mondial ? Une caméra cachée ?
Peut-être que t’es désespéré d’avoir perdu tout ce que t'avais ?
Ou tu t’accroupirais par terre, apeuré comme un gosse ?
Ou est-ce que ce serait toi qui tend la main à ceux qui sont terrorisés ?
Ou te dresserais-tu comme un guerrier, les poings fermés, prêt à affronter l'inconnu ?
Une chose est sûre : tu vas découvrir si tu es vraiment ce que tu penses être, et si les autres sont réellement ce qu'ils prétendent.
T’observes tes voisins qui se regardent mutuellement, un peu hébétés, comme ça. Premier réflexe : on se cache.
Ah ben oui, parce que tous les vêtements ont aussi disparu.
Si on était une tribu amazonienne qui vit déjà à moitié à poil, ce serait moins gênant. En plus, pour eux, ce serait sans doute assez facile de reconstruire leur village et de revivre normalement d’ici je sais pas … peut-être trois semaines.
Mais là pour nous… “Refaire le monde”, comme on dit, c'est pas la même tisane !
Je te connais pas, mais si ta vie se passe en bagnole ou en bus entre ton bureau, le supermarché et ton fitness, et que tes interactions sociales se résument à Facebook et des jeux en ligne, je vais pas te mentir : tes habitudes va un peu changer.
Une fois passé l’effet de surprise, il va bien falloir regarder cette nouvelle réalité en face.
Y’a 5 minutes, c’est l’homme qui mettait tous les animaux en danger. Là, pardon, mais tu ressembles plus à un repas qu’à un prédateur.
Les serpents, les loups, les ours : les animaux qu’on va rencontrer, ils sont pas en peluche.
Ce serait con de se faire bouffer tout de suite, là !
Première chose : trouver un bâton pour se défendre, c'est mieux que rien. AIE ! (Claque sur le bras) … Ah ben oui, ça sert à rien contre les guêpes, les fourmis, les araignées, les tiques, les puces ou les moustiques et les maladies qui vont avec.
Qu'est-ce qui se passe là plus loin ? Y'a quelqu'un qui se comporte comme si c’était le chef…
Ah, c’est Maxime ! Celui qui organisait la fête des voisins chaque année: C’est pas le plus malin, il a tout le temps la gueule ouverte. Mais ça va : il est sympa, il est marrant, on l’écoute facilement.
Là il dit : “Bon, heu, on va pas rester là, si ? ... Moi je pense que le mieux, faut qu’on trouve de l’eau, parce qu’avec le soleil, on va crever de soif ! Allez, on y va !”
On y va, heu… Alors, ouais, y’a une rivière pas trop loin mais comment par où on y va ? … Y’a plus de route ! Plus de panneaux ! On n’a plus de GPS !
T’as pas l’intuition qu’ils prennent le chemin le plus court, mais comme il a pas l’air d’hésiter et que tu veux pas rester tout seul, t’ose pas trop la ramener, et tu suis le troupeau.
A peine parti, tu penses a ceux que tu aimes mais qui n'habitaient pas avec toi, que tu reverras peut-être plus jamais. Même si tu courais chez eux, ils n’y sont plus.
Comme toi t’abandonnes définitivement l’endroit où t’habitais.
Aïe ! Après quelques pas, tu t'es déjà tordu le pied sur une racine !
Y'a des cailloux, des ronces, Eh ! C’est pas le moment de te blesser, parce que y’a rien pour te soigner.
Y'a plus d'ambulance ni d'hôpital.
En parlant de médical, si tu prends des anxiolytiques, des antidépresseurs ou des somnifères, t'en as plus, c'est l'occasion de t'arrêter.
Si t’es fumeur, pareil : t’as plus de clope, plus d’allumettes.
Plus rien pour faire du feu en fait.
Et si t'as un médoc vital à prendre tous les jours, ben le traitement est fini, en même temps que ta vie.
Si t’as un pace-maker ou une prothèse, ça disparaît aussi : bye bye.
Si tu te déplaces en chaise roulante : lève-toi et marche.
Nooooon : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour toi ! … la mauvaise : tu vas passer un sale moment. La bonne ? C’est pas un moment qui va s’éterniser, parce qu'on va s'occuper de toi, mais je sais pas encore si ce sera de gentils voisins ou d’une meute de loups en train de chasser dans les environs.
Sur 7 milliards d’humains, y’en a un sacré paquet qui ne survivra même pas jusqu’à ce soir.
C’est chouette, hein, le retour à la nature ?
On continue de marcher, je suis derrière une nana, toujours à poil, et je me dis que j’ai du bol d’être un mec, parce qu’à mon avis, les nanas, il va leur arriver des trucs.
L’homme est un loup pour l’homme, et c’est flippant de prendre conscience que là, y’a plus de gouvernement, plus de lois, plus de police, plus de justice.
C’est l’anarchie.
Les mosquées, les églises, les temples, y'a plus la moindre trace d’aucune religion.
Même les hôpitaux psychiatriques, les zoos et les prisons ont disparu. Liberté pour tout le monde. Heureusement qu'il y a plus d'armes !
Allez, faut avancer, là, on est pas en vacances… Enfin, si, quelque part.
Mais pourquoi y’en a qui s’arrêtent, là ?
Ah ! Ils ont trouvé des mûres.
Mais comme tu boîtes un peu, le temps que t’arrives, y'en a plus.
Eh ouais : la solidarité c’est un concept très très théorique.
Manger ou être mangé : ça c’est un truc qui sonne juste.
Tu commences à comprendre ce que ça veut dire : “La jungle”
Ils m'ont donné faim, ces cons-là !
Comment on chasse sans fusil ? Avec des collets ?
Un arc et des flèches ? … Mais je sais pas faire ça, moi, j'y connais rien !
Pfouuuuuh !
Bon ! Ben c'est l'occasion de devenir végétarien et de faire ami-ami avec des survivalistes ou des scouts !
On marche dans tous les sens, j’ai rien bouffé, je vais tomber !
Ça me démange de partout, je saigne à force de me gratter. J’ai mal à la cheville
Je transpire, j'ai les mains dégueulasses, je crève de chaud, de soif.
Ah ? … Oh putain la rivière !
Alors la on se jette tous dedans, ça fait trop du bien
Pfouuuuuuuh
Il fait un peu frais quand on sort de l'eau. Ben y’a le soleil qui commence à se coucher.
C’est quelle heure ? … Ah ben non...
Y’a un autre groupe de l’autre côté de la rivière. Y’a de la fumée ! On dirait qu’ils ont réussi à allumer un feu... qu’est-ce que tu ferais, toi, t’irais les rejoindre ou tu restes avec ton groupe de voisins ?
On y va tous pour former un grand groupe ? … Bon, là, ils sont déjà déjà nombreux agglutinés autour du feu !
Si on arrive comme ça et qu’on les bouscule pour profiter de la chaleur, je suis pas sûr qu’ils vont bien le prendre !
Y’a déjà des clans en fait !
Putain j’ai la dalle ! J’ai froid ! Je sursaute à chaque bruit, à chaque cri.
Je suis en train de me rendre compte de la brutalité de la nature, de la nature de l’être humain, et de mes propres instincts primaires
Et là, heu… Où est-ce que je vais passer la nuit; je vais pas me construire une cabane, j’ai pas le temps, faut que je trouve une grotte où je sais pas quoi !
Faut qu’on se serre pour se tenir chaud. Si t’es en famille, ça va encore, mais tu fais quoi si t'es tout seul, ou toute seule ?
Je sais pas comment tu vas faire, mais si t'arrives à ronquer un quart d'heure, t'auras bien de la chance.
2ème jour. Tu te lèves avec le soleil.
Tu sais, comme ces réveils avec la lumière qui augmente progressivement, puis le bruit du vent, les oiseaux. Ben là, c’est pareil, mais en vrai.
Elle est pas belle, la vie ?
Bon, là t’es courbaturé, crevé. T’as froid, mais ça te gratte tellement de partout que tu vas quand-même dans la rivière glacée pour essayer de te débarrasser des parasites.
Quand tu sors, t’as toujours rien pour te sécher mais là, on s'en fout parce qu'il pleut.
Eh ouais ! … Il manquait plus que ça.
Te plains pas trop parce qu'à certains endroits du monde, ils sont aussi à poil, mais en plein désert ou sous la neige.
Tu sens que t’as les cheveux en bataille, les yeux cernés, pas rasé, ou pas maquillée. Y'a plus de miroir, si tu veux te faire peur, trouve une flaque d'eau.
Tu t’es jamais senti aussi vulnérable et stressé à l'idée d'etre a la merci d’une blessure qui s’infecte, une insolation, une intoxication, ou n’importe quelle maladie qui se balade par là.
T’as tellement perdu tous tes repères que tu vis un traumatisme permanent.
Avant, la misère du monde était si loin et si distrayante que tu la regardais comme un film catastrophe au journal de 20h en bouffant des chips. Mais ce coup-là, c’est toi ! C'est ici ! C’est maintenant !
T'entends pleurer, crier.
Là y’en a qui sont à genoux près d’un cadavre, et qui implorent le ciel… Qu’est-ce qu’ils peuvent bien demander à Dieu ?
Y’a des morts alors qu’il y a même pas de guerre !
Enfin, pas encore.
Tu t’assieds sur une pierre avec ton bâton comme ça, tu prends conscience que ton espérance de vie, elle vient de salement morfler !
L’avenir, pour toi, maintenant, c’est pas ce que tu vas faire dans un an : ton seul projet se résume à survivre jusqu’à ce soir.
Ca me fait penser à ce film : c’est un avion qui s’écrase à moitié dans la Cordillère des Andes, et comme les secours désespèrent de retrouver l'endroit du crash, les survivants finissent par se résoudre à manger des morceaux de passagers qui sont décédés.
Encore une petite tranche de commandant de bord ?
Oh, On n’en est de loin pas là, hein !
Pas encore.
Ca va pas être facile de tout reconstruire. Toutes les connaissances humaines se sont envolées puisqu’il n’existe plus aucun livre, aucun disque dur.
Tout ce qui nous reste, c’est… Là-dedans (dans notre tête).
Les gens d’expérience, ceux qui savent : ils sont âgés, ils vont bientôt mourir… emportant avec eux les secrets du monde.
Enfin, de notre monde... Notre ancien monde.
Faudrait qu’on se dépêche de tout réécrire parce qu’avec le temps qui passe, on oublie !
Qui va faire ça ? Comment ? … Moi j’ai pas le temps : je dois survivre, c’est un boulot H24 !
Pis moi, je suis dans l’informatique; je fais quoi ?
J’écris les raccourcis-clavier d’Excel sur le mur d’une caverne avec un bout de charbon ?
On va tout recommencer à zéro, quoi.
Avec une planète toute neuve, toute propre, toute belle.
Mais qui a bien des points communs avec l’enfer, là, pour le coup..
La nature va commencer par éliminer les fragiles.
Il ne restera que les plus forts, les plus débrouillards, les plus futés, les plus combatifs, les plus adaptés, les plus coriaces qui forgeront la base de cette nouvelle humanité.
Ceux qu’on nomme habituellement “Les meilleurs”
Je te connais pas, mais est-ce que tu penses que tu seras retenu au casting ?
On va réapprendre à faire du feu. Tailler des pierres, les polir.
Fabriquer des lances, les premières armes pour chasser les animaux, afin de manger et nous vêtir de leur peau.
Ces mêmes armes que nous utiliserons aussi pour combattre les ennemis; c’est à dire les autres groupes de notre propre espèce.
On redeviendra des hommes des cavernes.
Enfin… moi, j’ai même pas de caverne. Je suis même pas sûr de pouvoir reconnaître les trucs qui se bouffent.
Par contre, je sais lire et écrire, mais bon, ça, heu… pft..
On aura les cheveux comme ça, des barbes comme ça, mais on parlera avec un langage d’aujourd’hui.
Ca fait penser au film “RRRrrr!!!” avec Alain Chabat
On connaîtra plein de mots qui serviront plus à rien : congélateur, cinéma, imprimante, garagiste, pfouit !
Les survivants n’arriveront même pas à expliquer ça à leurs nouveaux enfants. “Tu faisais quoi, papa, quand t’étais jeune ?... J’étais assureur… Ca veut dire quoi ? pft…”.
Ah ça, des enfants, y’en aura ! Autant que des MST parce qu’il y aura plus de préservatifs.
Boh, d’un autre côté, vu les conditions de vie, la majorité des bébés mourra avant de naître, ça équilibre. Puis ça donnera l’occasion aux femmes de mourir en couche après leur dixième grossesse quand elles seront vieilles et usées, vers 25 ans.
On va réinventer la roue, le troc, l'agriculture, l'élevage, tracer des routes qui vont relier les villages, puis les villes.
On va dessiner des nouvelles frontières, édicter des nouvelles règles, inventer des nouvelles croyances, des nouvelles religions.
Petit à petit, on va sans doute à nouveau sculpter la planète à NOTRE image. Qui convient à NOTRE race .
Apprivoiser, exploiter ou raser notre environnement selon nos critères, nos besoins, notre confort.
Imaginer que l’être humain puisse ainsi recommencer la même chose s’il avait une 2ème chance, est-ce que ça te paraît odieusement scandaleux, ou tristement fatal ?
Quel est le moteur de ce mécanisme diabolique ?
Chaque espèce a développé son propre système de défense : les orties et les cactus piquent, les oiseaux s’envolent, les hérissons se mettent en boule, les lions attaquent les gazelles mais les gazelles courent très vite, les éléphants sont très gros, les caméléons sont invisibles
Mais nous, on vole pas, on a pas de piquants, on court pas vite, on n’a pas un oeil de lynx ni la mâchoire d'un tigre…
On est assez nuls, en fait. Surtout là, assis sur ma pierre, comme un con, à trembler des genoux
Qu’est-ce que la nature m’a donné comme système de défense ? à part ce bâton ridicule.
L’intelligence.
Qui nous permet d’aller vite, de voler, de se cacher, de simuler n’importe quel système de défense et d’attaque, de façon améliorée.
Et cette intelligence est un système si redoutablement efficace qu’il nous permet de maîtriser et donc d’exploiter notre environnement sans limite.
Tout être vivant veut survivre, de reproduire et se développer.
C’est la nature du vivant. Ce que Nietzsche appelle “La volonté de puissance”.
Et quand cette volonté de puissance pilote l’intelligence, l’autoroute qui mène à l’autodestruction semble inévitable.
Auteur du texte et acteur : Michel Defawes (le Black Coach)
Mise en scène et aide à la gestion du Black Coach : Cathy Moreno
Relecture et corrections : “Les coulisses du Black Coach” (remerciements à tous les membres qui ont participé)
Soutien financier : toi, si tu en as envie, c’est ici.
"Echoes of Times", de Kevin Macleod
"Virtual Light", de Houses of Heaven
"The end", de Coyote Hearing
“Cast of Pods”, de Doug Maxwell
“Heartbreaking”, de Kevin Mc Leod
“Seul au monde” (Cast Away, avec Tom Hanks)
“Lost” (Les Disparus)
“Les survivants” (Alive)
“RRRrrr!!!” (De et avec Alain Chabat)